
Dans la mythologie grecque, Atlas est le fils de Japet et de Cylmène et a pour frères Prométhée, Épiméthée et Ménœtios. Atlas est un titan, qui engendra notamment les Pléiades , les Hyades, les Hespérides et Calypso.
Après la révolte des Titans contre les dieux de l’Olympe, il fut condamné par Zeus à soutenir les cieux jusqu’à la fin des temps.
En psychologie moderne, le complexe de l’Atlas désigne le type de personnalité qui ressent le besoin d’assumer des responsabilités au-delà de ce qui est nécessaire et attendu. On dit qu’une personne qui « porte le monde sur ses épaules » souffre du complexe de l’Atlas. Ce besoin de supporter des fardeaux immenses découlerait du besoin de maintenir l’ordre et d’éviter les conflits.
On va voir que le problème d’Atlas, c’est d’abord, dans la vraie vie, de se porter lui-même dans le monde…
Une enfance ordinaire
Quand il pousse son premier cri, le « petit Fernand » est un beau bébé comme tous les bébés. Et le plus beau pour sa maman ! Avec ses petites croles, et ses dix doigts : P’tit-Poucet / Laridé / Long-Dé /Long-Dézô / Tirlibibi !
Il habite rue Haute à Templeuve, dans le Tournaisis, où ses parents, Etienne et Marie-Louise, tiennent une ferme. Rien à ce moment-là ne fait penser à la vie réellement hors du commun que va connaître Fernand Bachelard. Une vie finalement assez triste, comme vous le verrez, malgré ses moments de gloire.
On m’appelle le géant Atlas, mais ce n’est pas mon nom, vous le pensez bien. Je suis le « petit » Fernand Bachelard, né à Templeuve, dans la province du Hainaut, le 11 juillet 1922 …
Fernand Bachelard, dit « Le Géant Atlas »

Son autobiographie, « Qui êtes-vous Monsieur Atlas », écrite en collaboration avec Jean Nohain, Fernand Raynaud et Marc Fourneau commence ainsi: « On m’appelle le géant Atlas, mais ce n’est pas mon nom, vous le pensez bien. Je suis le « petit » Fernand Bachelard, né à Templeuve, dans la province du Hainaut, le 11 juillet 1922 …»
A la naissance il pèse 4 kilos. C’est ce qu’il est convenu d’appeler un beau bébé. Mais rien d’exceptionnel…
De la graine de Géant
Mais à 18 ans il mesure 1,90 m.
La guerre éclate. Il s’engage du côté français. Blessé, il est rapatrié de ce côté-ci de la frontière. Il mesure alors 2,10 mètres, chausse du 50 et pèse 150 kg. Il s’arrêtera à 2,35 mètres et 240 kilos, à 48 ans.
Une stature qui ne permet pas de passer aisément inaperçu, faut-il le préciser. Et une stature qui transforme un homme en bête de foire, au sens littéral.

Il voudrait bien s’engager dans l’armée, mais elle refuse, en raison de sa taille.
Il connaît un certain succès comme catcheur, mais la fédération belge ne lui renouvelle pas sa carte d’affiliation : il gagne toutes ses rencontres. Ce n’est plus du jeu. Et lorsqu’il tombe, il a beaucoup de mal à se relever… Mais c’est de cette époque qu’on le connaîtra sous le nom d’ « Atlas ».
Ombres…
La période la plus sombre vient quand il est présenté, comme un animal de cirque, à la Foire du Midi. On voyait d’abord sa main géante dépasser d’un rideau de rouge. Mais contre quelques pièces, on pouvait le voir, dans son intégralité, si j’ose dire. On est dans les années ’50 et c’est l’époque où le respect de la personne n’est manifestement pas une évidence… et où le comportement des visiteurs s’assume, assez odieux. Mais c’était il y a trois quarts de siècle…
… et lumières

Mais la roue va tourner vers un vrai mieux.
De rencontres en rencontres, il va faire des galas, sur la Côte d’Azur. Jean Nohain l’engage pour son émission télévisée « Reine d’un jour ». Il rencontre Fernand Raynaud et fera plusieurs tournées avec lui.
Il est à l’affiche du Médrano avec Maurice Chevalier.
A Londres, il tourne dans un film.
Il accumule les records, certains sportifs, comme le lancer d’un poids de 7 kilos à 25 mètres, et d’autres, qui renvoient à la bête de foire : boire 2 litres de bière en 11 secondes, déchirer un annuaire téléphonique…
Il est reçu par les Présidents français, Auriol et Pompidou et le Président Eisenhower à la Maison Blanche. Quand il rencontre le général Charles de Gaulle, il lui dit « monsieur Bachelard, vous êtes plus grand que moi, je suis un petit garçon à côté de vous » !
C’est ainsi qu’il gagne sa vie et qu’il visitera 38 pays.
Retour au pays

Dans les années ’60, fatigué de cette vie factice, il revient dans ce qu’on n’appelle pas encore WAPI, la Wallonie Picarde, à Bon-Secours, où il donne un coup de main à sa maman, qui y tient, dans le quartier de la basilique Notre-Dame, un café à l’enseigne prévisible : « au Géant Atlas ». Plus discrètement, il s’était appelé le « café Destrebecq« , du nom de son propriétaire, mais on lui avait connu un tout autre cadre de références, plus romantique, puisqu’il s’était appelé « le café de la Nouvelle Princesse« …

« On ne valse pas avec un géant, sans qu’il vous écrase un peu les pieds », fait dire Claude Lelouch à l’un de ses personnages, dans « Itinéraires d’un enfant gâté« . Peu importe. A 49 ans, il épouse une amie d’enfance, Renée Colin. Pour les médias, belges et français, c’est un événement people. Plus de 2000 personnes seront de la fête.
Le couple s’installe à Gerpinnes, route de Florennes, et ouvre un second établissement qu’il baptise « Au feu de bois« .
Mais peu à peu, la santé de Fernand se dégrade et après une amputation de la jambe, il décède en 1974, à 54 ans.
Naissance d’un mythe
A Templeuve, une rue s’appelle Géant Atlas et le village de Bon-Secours a son « vrai géant », à son image, mais encore plus géant que le Géant… Malheureusement, le musée qui lui sera consacré sera détruit par les flammes, un an après son inauguration.
Mais il fait définitivement partie de ces rencontres que propose, dans « Le bonheur des Belges« , Patrick Roegiers, cette cette fresque épique où son aventure le partage avec celles de Yolande Moreau et de la Malibran, de Victor Hugo et de Jacques Brel, des Quatre fils Aymon et de l’Exposition Universelle de 1958, d’Hugo Claus, de Verlaine et de Nadar, de Tintin et de Simenon, de James Ensor et de Bruegel. Et de tant d’autres… Un voyage que Télérama proposait de suivre aveuglément…
Bernard Chateau,