Jolimont

Nous sommes Chaussée de Jolimont, au n°90, La Louvière. Alors, on disait simplement : «Jolimont». Une simple plaque rappelle que «Théophile Massart créa ici en 1872 la première Maison du Peuple de Belgique».

Chaussée de Jolimont, 90, La Louvière. Source: google Maps

Deux petites maisons

Les deux maisons modestes que Théophile Massart acquiert, le 5 août 1872, pour huit mille cinquante francs, pour et au nom de la Société de l’union des Métiers du Centre, Hainaut, à l’intervention du notaire Augustin Lechien, à Fayt-lez-Seneffe, n’ont rien à voir avec le bâtiment actuel, érigé en 1929, devenu entretemps une maison de repos et de soins.

la Maison du Peuple et le Progrès source IEV

Car c’est là aussi que la coopérative «Le Progrès» a vu le jour, à laquelle les initiateurs pensent d’emblée, sur le modèle anglais des «Equitables Pionniers», cette société coopérative qui servit de modèle à tout le mouvement coopératif.

La coopérative, une histoire anglaise

Au départ, « The Rochdale Society of Equitable Pioneers » fut fondée en 1844 par 28 tisserands de Rochdale. L’objectif était simple: s’affranchir de la dépendance aux manufacturiers, qui fixent les salaires, et de la dépendance aux commerçants, qui fixent les prix des biens, en assurant elle-même la distribution de produits de qualité à des prix bas.

Une visite au «Vooruit» de Gand conforte Théophile Massart de la pertinence de la démarche, et le 20 juin 1886, la coopérative «Le Progrès» est fondée.

L’ancien café. Source IEV

Une entreprise solidaire et prospère

Bientôt «Le Progrès» de Jolimont essaime dans toute la Région du Centre, avec, outre la distribution de la boulangerie, des magasins d’alimentation, mais aussi des magasins de confection, de chaussures, et des pharmacies. Empreint des principes de la «libre pensée», le réseau accompagne ses membres dans l’éducation permanente et la culture. Au début du siècle dernier, la boulangerie fabriquera trente-deux tonnes de pain par jour et la brasserie, plusieurs hectolitres de bière par mois.

Le Progrès est fier, en 1930, d’annoncer qu’il a payé à ses affiliés pour plus de 12 millions de francs en ristournes, qu’il a distribué un million fin 1929, et qu’avec un capital de 3000 francs, il est alors à la tête d’immeubles et de matériel évalués à plus de 15 millions de francs. Il produit alors 45 000 kg de pains par jour et 40 000 hectolitres de bières par an.

Forme de « Rapport d’activités » 1930 – source IEV

Mais après le difficile passage de la seconde guerre mondiale, l’envol de la société de consommation aura raison du modèle à la fin des années ’60, début des années ’70.

Une initiative qui ne plaît pas à tout le monde

Certes, « Les conditions du prolétariat en Belgique sont pire que partout ailleurs » écrira Henri Pirenne, le très libéral historien belge et tout ce qui pouvait l’alléger était bon à prendre.

Mais faut-il dire que l’initiative ne plut pas à tout le monde. Et notamment pas au monde libéral et au monde catholique, dès lors qu’elle contribua à l’implantation du POB.

Affiche électorale 1912 (Musée de Mariemont)

Dans la Région, Warocqué, on s’en doute, ne fut pas ravi d’être la cible du parti socialiste, avec d’autres personnalités du parti libéral… et s’il était philanthrope, il n’entendait ni se voir contraindre, ni se voir rien imposer. On s’accordait volontiers autour de cette devise: « minimum de gouvernement, minimum de contribution, maximum de liberté!« .

Mais la démarche ne déplut pas moins du côté catholique, qui entendait avoir la maîtrise de la philanthropie sociale. Souvenez-vous qu’alors, nous sommes en 1891, l’église catholique se fait sociale, avec l’encyclique  » Rerum Novarum »  du pape Léon XIII. Et on le vit bien quand un certain Valère Mabille développa un modèle coopératif similaire, dans le but de concurrencer « le Progrès ». Le « Bon Grain » verra le jour précisément en 1891, le 28 juillet – la même année, et cinq ans après « le Progrès ».

Un forgeron pour une entreprise solidaire

Mais qui était celui qui fut à l’initiative de cette entreprise?

Théophile Massart était natif de Fayt-les-Manage où il vit le jour le 26 novembre 1840, dans une famille, faut-il le dire, modeste. Même si on sait peu de choses sur lui, on aura compris que cet ouvrier forgeron avait une vie militante et associative intense, cheville ouvrière à l’origine de l’ Union des métiers et de l’Association Internationale des Travailleurs, et premier Directeur de la Coopérative le Progrès.

Théophile Massart

On dit qu’il était très impressionné par le « Familistère de Guise » de Jean-Baptiste de Godin, qui avait dépassé, dans l’organisation de son entreprise, le paternalisme bienveillant et avait opté pour une forme de modèle réellement communautaire.

Il a touché aussi à la politique communale et provinciale. Il décède en 1904.

On ne compte pas le nombre de rues et de places qui portent aujourd’hui son nom dans la région.



Bernard Chateau,

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