Rencontre d’un poète et d’un village

C’était le siècle dernier. Une histoire qui commença en 1994.
Claude Nougaro, à une encablure de Toulouse, trouvait, dans un petit village de l’Aude, où se poser. De quoi se ressourcer, écrire, échanger en amitiés, tranquille. Car les villageois n’ont jamais vu en lui qu’un paziolais d’adoption, le laissant vivre à son rythme.

Il sut les remercier.

En leur offrant tout un CD, intitulé joliment « L’enfant phare ». C’était en 1997. Il n’eut pas un grand succès de foule, ce qui le peina. Mais l’amour d’un pays se partage-t-il si aisément, à une encâblure du 21° siècle? Il fut consacré pourtant, du Grand Prix du Disque de l’Académie Charles Cros, en 1999. Il faut dire que celui-là était audois, issu d’une famille de Lagrasse, né à Fabrezan un bon siècle plus tôt, à une vingtaine de kilomètres à vol de grive musicienne, et que les nobles académiciens n’ont pas pu ne pas s’en souvenir – sans que cette précision ne porte ombrage au mérite…
La maquette fut réalisée à la Salle des Fêtes du village, et plusieurs titres sont un hommage discret au village de Paziols et à sa rivière, affluent de l’Agly. « Beaucoup de Vent » est une fidèle et poétique « audiodescription » du village, à laquelle les images seraient superflues.

Beaucoup de vent

Ici, tu vois tout est sauvage
Ici, la garrigue, le rocher
Avec la vigne pour faire bon ménage
La vigne a l’esprit de clocher
Les clochers, ils ont la dégaine
De clochers d’églises mexicaines
Imperturbablement laissant tomber leurs plombes
De bronze sur les saisons et sur les tombes

Une rivière des Corbières

« Une rivière des Corbières » sautille au fil de ses rimes, de ses notes et de son eau claire. Elle s’appelle le Verdouble et passe par-là avant de rejoindre l’Agly.

Il scintille le Verdouble
Mais le cours de son argent
Ni les dollars ni les roubles
Ne te le payeront comptant
Pas la peine que tu te mouilles
À percer ses coffres-forts
C’est dans l’œil de ses grenouilles
Que sont ses pépites d’or
Mais tu seras riche à millions
De ronds dans l’eau
Il suffit d’un plongeon d’une gente dame
Et si tu bois le bouillon, pars à vau-l’eau
Noyé dans un baiser
Ce n’est pas un drame

Si cigales m’étaient contées

Alors, il retrouve les émerveillements d’enfant au son des cigales, avec « Si cigales m’étaient contées » dans ce village que traverse seulement une départementale:

Et le petit Claude
Est tout épaté
D’entendre dans l’Aude
La rhapsodie chaude
Que lui joue l’été

Il était une fois comme si j’y étais

Il sut les remercier.

En leur offrant un festival de chansons françaises, où l’on vit aussi Marti ou Pierre Vassiliu.
Car c’était une entreprise d’amitiés. C’était les 28 et 29 août 2002. C’était « Il était une fois comme si j’y étais« . Il s’agissait de célébrer, villageoisement, la chanson française.

Et quand il n’y était pas, dans son village des Corbières, il y pensait souvent: c’est qu’il lui manquait. Au point, un jour, d’envoyer un fax – c’était en 2002, le 29 avril – à la Mairie, destiné à ses « Chers Voisins« .

Salut Paziols!

Hautes Corbières

Qui m’accueillirent

Mais pas en vain.

Je suis des vôtres

Pour qu’on enterre

La Tyrannie

Qu’où qu’elle vient.

Elle pousse mal

Dans ce pays,

Dans nos terroirs,

Nos rouges vins.

La seule torche

Que nous aimions

C’est les rayons

Sur le Mont Tauch.

Alors, ici

Pas de tyran

A part, merci,

Les tirants d’eau

Des belles pluies

Sur nos faillots.

Claude Nougaro

Il est une fois comme s’il y était

Alors, depuis qu’il ne déambule plus dans la Grand Rue, entre sa maison jugée à l’ombre là-haut, à l’ombre du clocher, en face de ce qui reste dans l’esprit « Le Merle Bleu« , qu’il baptisa ainsi, sur la petite place qu’on a depuis baptisé de son nom, et que les remparts protègent, et le café, avenue du Roussillon, chaque année, le village sait, à son tour, le remercier. Et lui rendre hommage.

Cette année, une exposition photographique traverse le village, empruntant le même itinéraire en sens contraire, départ Place de la République.

Luc Douche devant une de ses photos

Luc Douche a croisé la route du Nougaro Trio et c’est un embarquement immédiat. Le jeune photographe éponge est attentif, l’œil perçant, aussi sensible que ses pellicules.
En plus d’être le reporter de la tournée, Luc l’entourait de toutes ses attentions en bon camériste improvisé.
Sa mémoire photographique offre les détails de la vie de l’artiste complet qu’était Claude Nougaro, au détour d’une loge, d’un concert, d’un simple repas ou d’une de ses ballades oniriques. Claude lui ouvre les portes de ses amis, de ses musiciens, de ses compagnons de route, de sa maison et de son intimité.

L’occasion pour Paziols de rendre hommage, par l’image argentique, au poète qui trouvait ici l’inspiration et la quiétude.

L’exposition de photos « CORPS DES LETTRES, L’INCARNATION DES MOTS » de Luc Douche se promène à Paziols, par le chemin des écoliers, de la Place de la République à la Place Claude Nougaro en passant par la Grand Rue, la Rue de la Tonnellerie et la Rue de l’Eglise, jusqu’au 15 septembre.

Bernard Chateau.

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